Jean-Claude Bourdet

Grottes et cavernes, entre mythologie et sacré.

Une exploration des profondeurs de l’âme humaine.

Cascade d'Autoire

« A l’ère du rêve les Esprits Errants voyageaient jusqu’aux confins et plus loin. » J.P Otte, Mythes de la création
« Le commencement est, en toutes choses, ce qu’il y a de plus grand » Platon, La République

Table des matières
Remerciements
I- Exploration psychanalytique de l’imaginaire des grottes
II- Le paléolithique
1- Le contexte préhistorique
2- Modes de pensée des préhistoriques
3- Et la femme préhistorique ?
III- L’art paléolithique
IV- La musique, le chant
V- Grottes entre mythe et sacré
1- Généralités
2- Et la mythologie ?
3- Les mythes des origines
4- Chamanes ?
5- Le bestiaire pariétal
VI- Conclusion

I- Exploration psychanalytique de l’imaginaire des grottes
L’étymologie de grotte renvoie à grotta, un terme italien du XI é siècle issu du latin crypta dérivé du grec kruptê (crypte, souterrain) ; caverne vient du latin caverna et cavus, creux.
Mais peut-être êtes-vous nombreux à vous demander : en quoi un psychanalyste s’intéresse-t-il aux cavernes, aux grottes et autres antres ou tanières. La réponse à cette question est évidemment complexe et multiple. La symbolique de ces lieux est très riche et constitue une source inépuisable de fantaisies et de fantasmes, l’objet principal de la psychanalyse, qui convergent pour la plupart vers ce que les psychanalystes appellent les fantasmes des origines.
C’est en écoutant Claudine Cohen, historienne de la paléontologie, spécialiste des représentations de la préhistoire, qui introduit une série de conférences sur les Nouveaux regards sur les arts préhistoriques, proposées par la Bibliothèque publique d’information, que l’on peut écouter sur YouTube – que j’ai compris la légitimité de la démarche et de mon intérêt certainement prétentieux à vous proposer cette aventure intellectuelle et sensorielle que représente la plongée dans l’univers des mythes, des contes et de toutes les réflexions vers lesquelles les profondeurs de la terre nous entrainent. Il est question dans cette conférence des origines de l’art pariétal, et des questions que cela pose actuellement et cela rejoint étonnamment mes réflexions et mes domaines de recherche sur les origines de la créativité.
Quelques notions nous seront utiles dans le développement de cette conférence.
Le tabou est un acte interdit car il touche au sacré, sa transgression est frappée d’une sentence surnaturelle. Le tabou est différent du fétiche qui est un objet à qui il est attribué un pouvoir magique et qui peut être un objet de culte dans les sociétés animistes.
Freud, dans un livre appelé Totem et Tabou, analyse le tabou au regard de leur persistance dans les sociétés modernes. Le tabou opère alors comme un impératif catégorique (Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785), il témoigne de la capacité des individus à se représenter une loi morale qui impose un comportement élevé au rang de maxime universelle.
[Dans ce livre Freud essaie de déduire le sens primitif du totémisme de ses traces et de ses survivances infantiles, des aspects sous lesquels il se manifeste au cours du développement des enfants. Freud étudie, avec les outils de son époque, les formes de restrictions des conduites sexuelles entre membres d’un seul et même totem, ce qui malgré interdiction de se marier entre eux, n’écarte pas la possibilité de l’inceste. L’apparition de ce qu’il nomme une phobie de l’inceste, sorte de symptôme des liens totémiques, complexifie les interactions sociales. Freud fait même l’hypothèse que le passage du clan à la famille pourrait reposer, en partie, sur le fait simple que la famille représenterait théoriquement, d’un point de vue institutionnel, la seule base possible pour instituer la prohibition de l’inceste en limitant la liberté sexuelle qu’accordait les liens totémiques qui peuvent être différents au sein d’une même fratrie par exemple.]
Freud développe dans cet essai le mythe, toujours actuel, qui se retrouve dans nombre de contes, de rêves ou de romans, d’un sentiment de culpabilité inconscient – trace archaïque qu’il nomme aussi âme collective – dont l’origine serait à chercher du côté d’une faute originaire et qui se transmet de génération en génération au-delà de la communication directe et de la tradition.
Les frères se seraient unis dans la haine du père de la horde pour le tuer et le dévorer au cours d’un repas totémique pour prendre sa succession. L’évolution permettant de transformer cet acte en règles morales intégrées par les religions. Dans la religion catholique le sacrifice du christ permettant de sauver ses frères du péché héréditaire du meurtre du père.
Le tabou a deux significations opposées : d’un côté le sacré, le consacré et, de l’autre côté, l’inquiétant, le dangereux, l’interdit, l’impur.
Le tabou, se manifeste par des interdictions et des restrictions comme une terreur sacrée, il s’avère mortel s’il est transgressé. Le tabou s’impose de lui-même, comme le tabou de l’inceste, les règles et les lois édictées par la société des hommes viennent plus tard, dans une société dans laquelle l’écriture est déjà instituée comme moyen de communication et de transmission.
Pour les psychanalystes la notion de fantasme est complexe, J.-B. Pontalis et Jean Laplanche explorent dans : Fantasme originaire, fantasme des origines, origine des fantasmes, cette notion qui ne concerne pas uniquement le monde imaginaire. On peut lire sous leur plume : « le monde des fantasmes semble se situer tout entier dans le cadre de l’opposition entre le subjectif et l’objectif, entre le monde intérieur qui tend à la satisfaction par l’illusion et le monde extérieur imposant progressivement au sujet, par la médiation du système perceptif, le principe de réalité. L’inconscient apparait alors comme l’héritier de ce qui, à l’origine, était le seul monde du sujet, soumis au seul principe de plaisir. »
En suivant cette voie, la grotte, la caverne peut être étudiée comme une métaphore, du corps bien sûr, mais aussi de ce que l’on appelle communément l’appareil psychique tel que Freud peut le représenter avec ses différentes strates qui s’emboitent et s’interpénètrent comme des enveloppes, des sacs reliés entre eux par des diverticules. Avec des parties visibles, et d’autres masquées, refoulées où encryptées en tout cas non accessibles directement à la conscience.
Les grandes orientations de la paléontologie moderne sont allées, avec l’apport de techniques de plus en plus sophistiquées, dont je suis bien incapable de vous expliquer le mécanisme, vers une sorte de déconstruction des idées reçues sur les origines de l’art pariétal comme nous le verrons dans cet exposé.
Les capacités imaginatives déployées pour satisfaire nos désirs les plus profonds sont sans limites. Les rêves, les mythes, les contes, les romans et toutes les formes d’expression créatrices en sont les témoins. Freud raconte, par exemple, comment « dans le rêve comme dans la mythologie, la délivrance de l’enfant des eaux est ordinairement représentée par renversement par l’entrée de l’enfant dans l’eau… ». Il s’appuyait pour dire cela sur les propos d’une de ses malades qui lui avait raconté que la pensée de l’enfant qui descend dans l’eau éveillait chez elle une rêverie dans laquelle elle se voyait elle-même extraire son enfant de l’eau, l’emmener à la nursery, le laver, l’habiller et enfin le porter jusqu’à leur maison.
Nous verrons l’importance de l’eau et du sang dans les récits mythologiques des origines que les peintures pariétales nous proposent.
Cet exposé n’a donc pas d’autre prétention que de vous raconter une histoire, une fiction de cette découverte qu’est pour tout-un chacun le monde inconnu des origines.
Les croyances et les mythes sont enracinées dans les profondeurs de la terre. Depuis la nuit des temps, notre terre est assimilée à une puissance élémentaire souvent associée à des divinités archaïques objets d’un culte ou d’une vénération. Les cosmogonies, mythes des origines de l’Univers, lui attribuent un rôle protecteur et nourricier. Mais les profondeurs de la terre renferment aussi les secrets de mondes inquiétants de l’au-delà de la vie.
Les grottes et les cavernes ont certainement servi d’abri mais il est attesté qu’elles furent des lieux de culte, en tout cas elles participent à la transmission de rites initiatiques par leur capacité à créer du symbole.
Les mythes ont, selon l’anthropologue Claude Lévi-Strauss, pour fonction principale de tenter de résoudre les contradictions qui opposent, d’une part l’homme à la nature et d’autre part les hommes en tant qu’individus aux groupes sociaux nécessaires à la vie commune. Les mythes, comme les contes, donnent ainsi une vision des origines, origine du monde, de la vie, de la mort, de la succession des saisons, de l’alternance du jour et de la nuit. Ils justifient les tabous, les interdits, l’ensemble de règles qui permettent d’accepter les restrictions de liberté individuelles afin d’assurer un meilleur fonctionnement des groupes sociaux et communautaires.
La structure des mythes sacrés est considérée comme universelle.
Les contes, incluent souvent un ou plusieurs fragments mythique à valeur actuelle, ils traitent plus particulièrement des destins individuels. Les mythes mettent en tension les dimensions cosmologiques, métaphysiques ou naturelles auxquelles se confrontent les humains alors que les contes se situent à des niveaux sociaux, locaux ou psychologiques.
Freud a mis en évidence que les matériaux des contes de fées peuvent être compris comme les restes diurnes de certains rêves ; il montre également comment les contes eux-mêmes, c’est-à-dire la mémoire de ces rêves, peuvent être mis en place de souvenir-écran. (R. Kaës, Contes et divans.)
Pour Freud, le conte comme la légende, le mythe, l’œuvre poétique objective le rêve.
Le poète et le conteur éveillent chez l’auditeur « les impulsions issues d’une enfance devenue préhistorique »
Les récits, les mythes et les tragédies telle qu’on les retrouve en Grèce évoquent explicitement les questions existentielles : Dieu/homme, Vie/Mort, et je rajouterais Fécondité/Sécheresse…
L’affirmation junguienne de l’existence d’archétypes universels à l’espèce humaine a longtemps, malgré le doute de Freud, fait florès, il est désormais avéré que de nombreux mythes contradictoires ont coexisté, certains sont advenus jusqu’à nous d’autres ont disparu.
En Égypte la terre était adorée à travers une divinité masculine Geb alors que les mythes féminins de la terre ont imprégné notre culture occidentale à partir des écrits et mythes gréco-romains (Déméter, la Mère de la Terre).
Les mythes et légendes gréco-romaines sont un vecteurs important de l’imaginaire lié aux cavernes. Ulysse explore, l’antre du Cyclope, il habite un certain temps la grotte de Calypso et descend dans la maison Hadès dieu des enfers. Il déploie une imagination, un courage et une persévérance exemplaire pour qui s’aventure dans le vaste monde, lui qui doit renoncer à sa quête de l’infini et accepter son état de simple mortel pour, tout simplement, rentrer chez lui.
Il semblerait que le néolithique ait constitué l’ère de l’avènement du patriarcat à partir de l’invention attribuée aux hommes de l’élevage la femme a été maltraitée mal nourrie soumise à des tâches difficiles le mythe du chasseur cueilleur est né au moment de la fin de sa domination du monde
Même s’il est longtemps resté admis qu’il est très difficile d’élaborer un récit mythique à partir des fresques et peintures rupestres, certains auteurs, comme nous le verrons ont tenté de le faire.

II- Le paléolithique
1- Le contexte préhistorique.
La période concernée par notre recherche s’étend sur plus de 400 000 ans BP
L’Europe est peuplée, dès le Paléolithique, l’âge de la pierre taillée, par l’homme de Néandertal. Le paléolithique correspond à la période où les hommes et même leurs prédécesseurs vivaient de la chasse et de la cueillette.
Une phase de transition appelée Mésolithique coïncide avec un réchauffement du climat, la raréfaction des steppes et des toundra et l’apparition des forêts, de nouvelles variétés d’animaux vont progressivement remplacer les grands mammifères de l’époque glacière.
Le continent africain est, lui, peuplé d’Homo Sapiens, c’est en Afrique qu’ont été découvertes les premières traces humaines entre 6 et 10 millions d’années. Homo Sapiens va progressivement coloniser l’ensemble de la planète jusqu’à devenir la seule espèce humaine de nos jours.
Le continent asiatique est peuplé au paléolithique moyen par les Dénisoviens.
Le Néolithique, âge de la pierre polie, succède aux périodes précédentes, est marqué par l’apparition de l’élevage et de l’agriculture qui vont profondément changer les modes d’existence humaines.
2- Modes de pensée des préhistoriques
Pour étudier le mode de pensée des Cro-Magnon du paléolithique quelques éléments clefs sont nécessaires.
« Ils ne dominent pas la nature, ils vivent en son sein et contribuent au cycle naturel à l’instar des autres grands prédateurs » écrit Gwen Rigal dans Le temps sacré des cavernes.
Il existe une sorte de perméabilité des catégories naturelles connues chez les populations de chasseurs cueilleurs animistes et totémistes.
La figure animale est fréquemment assimilée à celle de l’homme au motif simplifié que l’Esprit souffle en toute chose et qu’il existerait des liens de parenté mythique nous reliant à certaines espèces vivantes.
Philippe Descola, cité par Gwen Rigal, titulaire de la chaire d’anthropologie de la nature au collège de France décrit quatre ontologies auxquelles se rattachent toutes les sociétés en fonction de la place qu’ils accordent à la physicalité humaine et non humaine et à l’intériorité humaine et non humaine. La physicalité peut être rapportée à la physiologie et à certaines caractéristiques liées au tempérament, l’intériorité se rapproche davantage du concept d’âme ou de conscience.
La dichotomie moderne occidentale consistant à séparer culture humaine et monde naturel relève plus d’une convention sociale que d’une loi physique ou scientifique et elle est loin d’être partagé dans toute la planète.
Ces ontologies sont :
Ces catégories ontologiques, l’Animisme, le Totémisme, l’Analogisme et le Naturalisme se retrouvent plus ou moins présentes, à des degrés divers, chez chacun d’entre nous lorsque nous acceptons de nous pencher sur nos comportements et nos croyances.
L’animisme en tant que croyance considère que l’humain et le non humain s’opposent par leurs propriétés physiques mais qu’ils ont une intériorité commune, l’Esprit souffle en chaque chose, qu’elle soit humaine, animale, végétale ou minérale. Il est ainsi possible de communiquer avec l’esprit des autres catégories physiques animales ou autres par le rêve et la transe chamanique. Les peuples chasseurs cueilleurs sont principalement animistes.
Les sociétés organisées sur le mode des croyances totémistes considèrent que les humains sont aussi différents entre eux en termes de physicalité et d’intériorité que les non humains. Ainsi un homme dont le totem est le kangourou est identique à l’animal totem et il y a autant de différence entre un homme kangourou et un homme émeu qu’entre un kangourou et un émeu. Le totémisme se retrouve autant chez les chasseurs cueilleurs que les agriculteurs ou les pasteurs. (Aborigènes australiens, Bambara et Dogon du Mali, Amérindiens de l’ouest canadien sont totémistes)
Les Analogistes considèrent qu’il existe d’infinies gradations allant du plus parfait, l’homme au moins parfait l’organisme cellulaire tant sur le plan physicaliste que de l’intériorité. Les sociétés occidentales polythéistes (Grecs, Romains, Celtes…), qui considéraient que le monde était peuplé d’une infinité d’espèces fondamentalement différentes les unes des autres et avaient des divinités pour chaque chose, la guerre, la fertilité, le vent, le feu, avaient une pensée analogique.
Enfin, les Naturalistes reconnaissent une même physicalité partout (nous sommes tous constitués d’atomes) mais l’intériorité est différente, seuls les humains et peut-être certains primates auraient une âme.
Actuellement en Occident, nous vivons dans l’illusion d’un paradigme naturaliste, sans que ce fait ne se discute. Mais en réalité nous avons une approche complexe du monde avec des résurgences animistes (nous attribuons bien une intentionnalité à certain animaux de compagnie), totémiste en attribuant un génie du lieu à certains endroits ou analogique lorsqu’on se réfère à l’astrologie par exemple.
La culture, l’artisanat, la musique, les chants, les danses participent aussi, avec la religion, les cultes, la politique à développer et affermir et les liens sociaux indispensable à la survie des hommes.
Les grottes participent aussi à cette entreprise de symbolisation qui vise à charger un signifiant (image, symbole…) d’un signifié (un concept). Le langage tout en étant un vecteur puissant, n’est pas le seul outil disponible pour ce travail de symbolisation.
En effet parler revient à rajouter à un signifiant, le mot, un signifié, le concept. Les mots sont donc déjà des symboles. Cette capacité d’abstraction nous permet d’enrichir la réalité en la catégorisant, en favorisant un agencement entre eux des concepts pour en créer des nouveaux et ainsi partager un imaginaire.
L’image, les objets, les rituels participent aussi à ce mouvement.
Les sépultures paléolithiques attestent, en soustrayant le cadavre à l’action des carnassiers, qu’il existe une charge symbolique sacrée attribuée au corps. Ce constat laisse penser à la précocité des croyances en une autre vie après la mort, dès l’aube de l’humanité.
L’art pariétal européen est essentiellement constitué de signes et de représentations animales stéréotypées, invariables sur environ 30 000 ans à l’échelle de l’Europe entière. C’est un art marqué d’un sceau conventionnel affirmé. Les animaux sont très souvent au repos, de profil, le réalisme anatomique n’enlève rien à l’étrange sentiment d’irréalité que le spectateur éprouve en les regardant, sans oublier les aspects anthropomorphes repérés par les commentateurs des œuvres.
La catégorie des humains est représentée par les « fantômes » comme les appellent les anthropologues, silhouettes humanoïdes ou thérianthropes (mi hommes mi animales) mains négatives, mains positives, symboles sexuels (vulves, phallus). Les représentations humanoïdes sont fréquentes dans les objets d’art mobilier paléolithique.
Un domaine récent de recherches se concentre autour des instruments de musique et des représentations où figurent de possibles instruments, les stalactites pouvant dans certaines cavités avoir été utilisés pour émettre des sons.

3- Et la femme préhistorique ?
Notre lointain ancêtre est longtemps resté genré, comme on dit désormais, au masculin, l’homme de Neandertal ou de Cro-Magnon a peuplé notre imaginaire dès l’enfance mais qu’en est-il de l’avènement de la femme préhistorique ?
Claudine Cohen dans La femme des origines dresse le tableau complexe des images de la femme dans la préhistoire occidentale. Elle la qualifie pour illustrer son propos de moitié invisible de l’humanité préhistorique réduite à l’état d’objet de culte (la fécondité) ou d’objet érotique (la sexualité).
La vénus de la grotte de Chauvet à Vallon-Pont-d’Arc ne doit sa découverte qu’au génie inventif du préhistorien Yanik Le Guillou qui utilisa un appareil lui permettant de photographier des zones inaccessibles au regard.
L’observation de l’image révéla un corps de femme sans visage, « réduit à l’objet du désir- un ventre, un sexe, la fente d’une vulve, l’entrouverture des cuisses, la courbe d’une hanche. Telle est la femme des origines » écrit l’autrice du livre et elle rajoute « trente mille ans avant Courbet, un artiste préhistorique a peint et gravé dans un repli de roche le sexe d’une femme – l’origine du monde. »
Dans son bel essai La femme tambour, Layne Redmond nous dit que « les représentations de vulves humaines, taillées dans la roche et recouvertes d’ocre rouge semblent avoir été les premières manifestations de l’art pariétal. » La couleur ocre rouge, obtenue en broyant de l’hématite ou de l’oxyde de fer était un substitut du sang, utilisé comme symbole de vie et associé au sang féminin.
De son côté, Michel Lorblanchet dans Naissance de la vie aborde la question. La femme, symbole de fécondité est divinisée dès les premières représentations du Gravettien, à ce qu’il nomme « l’âge du Renne » au Paléolithique supérieur. Il nous fait remarquer l’évolution des formes et certainement des fonctions symboliques des représentations féminines tout au long du Paléolithique. « Elles se dégagent un peu de l’animalité et se rapprochent parfois des silhouettes corporelles (plus contemporaines). » Il écrit plus loin au sujet d’un bas-relief découvert dans la grotte de la Magdeleine-des-Albis (Penne-Tarn) : Ces femmes (…) semblent ne plus être seulement des symboles de fertilité ni des « parturientes » () Elles marquent () le triomphe de l’érotisme sur la procréation et de la femme sur la déesse, elles ouvrent la voie à la tradition du nu féminin dans l’art occidental… L’une d’entre elle affiche la même posture que l’Olympia de Manet peinte 15 000 ans plus tard.
Marylène Patou Mathis dans L’homme préhistorique était aussi une femme analyse l’évolution de la place de la femme dans l’imaginaire collectif qui nourrit nos représentations de la préhistoire.
L’imaginaire autour de l’homme préhistorique s’est construit autour de la thématique du héros affrontant la nature sauvage et soumettant des peuples inférieurs. Le roman la guerre du feu a fixé chez toute une génération une représentation très virile, sans langage de l’homme préhistorique, quant à la femme préhistorique tout en étant plus faible physiquement elle apporte la culture et humanise le héros dans la scène d’anthologie de la rencontre sexuelle.
La représentation de la femme préhistorique et de son rôle social s’érige sur le paradigme d’une évolution linéaire du primitif à l’homme moderne construit par la société du XIXe siècle. Écrit l’autrice du livre. Cette vision patriarcale a été projeté sur un environnement primitif dans lequel les rôles des hommes et des femmes sont stéréotypés. Cela participe à la création et à l’alimentation d’un roman des origines à la gloire de l’homme. La série la famille Pierrafeu à popularisé dans l’imaginaire infantile le modèle de la famille américaine moderne.
En fait il est prouvé qu’à la période paléolithique, l’âge de pierre, de nombreuses peuplades cohabitaient. Leur organisation sociale est difficile à établir avec certitude, leurs niveaux d’évolution et de structuration sociales étaient certainement différentes mais elles se côtoyaient inévitablement. La division du travail et des rôles sociaux selon le sexe est beaucoup plus difficile à évaluer que le savoir scientifique a bien voulu nous le transmettre en y projetant le stéréotype patriarcal dominant.
Il y a environ 14000 ans (BP) l’apparition de producteurs, au moyen orient – il est maintenant admis que ce sont certainement les femmes qui ont découvert et développé l’agriculture, les hommes auraient développé l’élevage – a modifié profondément les modes d’existence et participé à un changement majeur du paradigme social.
Les sociétés de chasseurs cueilleurs, certainement matrilinéaires, se sont trouvés en compétition avec un nouveau modèles social, sédentaire, centré sur la protection du fruit du travail et la nécessité d’instituer un nouveau pouvoir patriarcal et peut-être patrilinéaire. C’est à partir de ce modèle que Freud a construit le mythe de la horde primitive et du meurtre du père. Cette thématique a été popularisée par la sortie, en 1960 aux Etats-Unis, du livre de Roy Lewis Qu’est-ce que nous avons fait à père ? traduit en français par Vercors par : Pourquoi j’ai mangé mon père ? Et par la fameuse installation de l’artiste Louise Bourgeois « Destruction du père » dont elle disait : « dans mon art, je suis la meurtrière. Dans mon monde la violence est partout ».
Les femmes travaillent le sol, les hommes protègent les silos et ramènent des esclaves pour cultiver la terre. L’éducation des enfants au maniement des armes, les changements d’alimentation (les protéines animales sont réservées à l’homme ce qui diminue progressivement la force de travail des femmes) participent à l’apparition de la domination des hommes qui vont aussi soumettre les femmes pour contrôler la procréation qui devient un des biens les plus précieux destiné désormais à la préservation les lignées patrilinéaires.
Au moment où l’homme prend conscience de son rôle dans la procréation il déconsidère le rôle de la femme qu’il réduit à un réceptacle, à un bien précieux, il décrète la fonction maternelle comme sacrée mais en érige des statues aux dieux masculins qui viennent envahir le panthéon divin jusqu’alors essentiellement féminin.

III- L’art paléolithique et les cultures matérielles symboliques.

La peinture est en elle-même un mythe, il n’y a pas de modernité de la peinture, elle est intemporelle et existe depuis la nuit des temps, de la grotte Chauvet à aujourd’hui on est dans un mythe, le mythe de la peinture. Gérard Garouste, entretien avec Philippe Piguet dans le cadre de Conversations avec …, Musée de l’’Orangerie
L’art pariétal regroupe les dessins, gravures et peintures effectuées sur les parois des grottes, l’art rupestre concerne les objets et dessins se trouvant en dehors des grottes. La notion de cultures matérielles symboliques est utilisée par les scientifiques pour désigner l’ensemble des manifestations culturelles recueillies lors de fouilles. Actuellement le début de la modernité culturelle semble se situer en Afrique il y a environ 200 000 ans ; mais on sait aussi que les néandertaliens produisaient des outils et des objets à forte valeur symbolique. (Francesco D’Errico, L’origine de l’humanité et des cultures modernes, Diogène N006/2, n°214)
Carole Fritz, directrice du CREAP – CNRS, à Toulouse, directrice de l’équipe scientifique de la Grotte de Chauvet Pont-d ’Arc, considère que les premières traces de modernité sont en lien avec la capacité d’Homo Sapiens de mettre en image des mythes et d’inscrire sur les parois des grottes l’organisation de sa société. Elle rejoint également un certain mouvement soutenu par de nombreux artistes : il n’y a pas d’enfance de l’art et l’artiste qui a gravé et peint dans la grotte de Chauvet, comme l’effectue Picasso, a volontairement dessiné des abstractions. Les soi-disante figures archaïques sont en fait des images complexes, considéré comme de l’art figuratif complexe, issues d’une recherche créative pour exprimer des émotions ou des récits mythologiques à forte charge symbolique en lien avec la culture du paléolithique.
La découverte des peintures pariétales, qui sont la plupart du temps des anamorphoses, comme des images déformés par un miroir, a été à l’origine d’une grande diversité de mouvements ou d’emprunts artistiques dont il ne faut pas sous-estimer la portée politique de dénonciation du cynisme des sociétés modernes.
L’art pariétal se prolonge sur plus de 30 000 ans à l’échelle du continent européen et, même si on doit envisager que l’usage des grottes a évolué, il est remarquable de noter la constance de certaines formes artistiques qui ont été reproduites à l’identique. « Une répétition inlassable des mêmes motifs symboliques », est-il noté par les paléontologues. Cette répétition traduit certainement l’impératif de transmission intergénérationnelle de connaissances structurelles et sacrées indispensables à la stabilité des sociétés du paléolithique supérieur (40 000 BP) dont le représentant le plus connu est l’Homo sapiens.
Dans La naissance de la figure, Jean-Paul Demoule explore les traces de la naissance des premières formes d’art à travers les objets produits lors de la dernière période glaciaire (Aurignacien, première civilisation Paléolithique, 30 000 BP).
Il y aurait une évolution psychique globale de l’Homo-Sapiens qui présente une capacité d’abstraction. Ce constat renforce l’hypothèse de capacités de démarches artistiques narratives, en lien avec les conceptions des origines de la vie et de la place de catégories du sacré et du profane dans leur existence.
En étant capable de « créer, par la figuration, une médiation matérielle de la représentation qu’il a de lui-même » et je rajoute de ses croyances, « l’être humain témoigne de ce qu’il se perçoit comme un sujet différencié du groupe dans lequel il évolue. L’artiste utilise, comme dans le langage, un support pour ses représentations mentales et effectue un travail de symbolisation et d’appropriation d’une représentation distanciée de lui et de l’autre instituant ainsi une possibilité de jeu entre les perceptions concrètes et les représentations abstraites » écrit cet auteur.
L’interprétation des dessins et peintures préhistoriques ne cesse d’évoluer et il est bien difficile de rester neutre face à ce qui reste un défi pour notre compréhension du monde.
Il est plus facile pour un poète, un artiste ou un auteur de faire appel à l’imagination pour combler les failles alors que la pensée scientifique se voit contrainte à se plier à la difficile discipline de l’expérimentation ou de la preuve. Un psychanalyste est habitué à faire confiance à ce qui paraitrait à certains une intuition non fondée mais qui s’avère en réalité nécessaire à la reconstruction, à la manière du travail de l’archéologue, qui doit, à partir de fragments, reconstruire l’ensemble du site.
Freud, dans un texte célèbre Le malaise dans la culture écrit en réponse à Romain Rolland, rend compte de la précarité de la condition humaine. Les hommes et les femmes confrontés aux incertitudes du conflit psychique entre les pulsions de vie et les pulsions de mort projettent ce malaise dans sa culture et dans son environnement.
L’insécurité et la précarité de la vie dans les temps préhistorique a certainement trouvé une forme de soulagement et de consolation dans l’illusion sacrée ou dans la religion. Mais il y a toujours un moment où les frustrations et les contraintes liées à la vie en société deviennent insupportables à l’individu qui n’a alors de cesse de détruire la société qui ne remplit plus sa fonction protectrice, il restera alors aux autres de reconstruire un nouveau système social acceptable par tous.
Dans ce texte Freud utilise, pour illustrer le mécanisme de la construction du moi, la métaphore de la ville de Rome qui est bâtie sur les vestiges de la Rome antique que l’on peut admirer au mont Palatin. Le moi contiendrait, comme Rome, l’ensemble des éléments constitutifs, primitifs, antiques et actuels, accessibles, entiers ou partiels. Ces éléments, constitutifs du sujet, seraient à l’image des fragments de poterie, d’outils ou de peintures étudiés dans les grottes, ou plus proches de notre ère, dans les écrits gréco-romains, chrétiens etc.
C’est le même mécanisme qui est utilisé par les chercheurs en paléontologie. A partir de vestiges, de fresques et autres objets ou squelettes retrouvées, les paléontologues, les mythologues et les autres chercheurs construisent des modèles cognitivo- comportementaux qui tentent de retrouver les modes de vie et de croyance des sociétés disparues.
La vision de la rotonde de Lascaux provoque chez certains un choc esthétique, l’abbé Breuil l’aurait très vite comparé à la sixtine de la préhistoire. Une fois dépassé ce ravissement, comme pourrait dire Marguerite Duras, le spectateur reste sans voix et s’abîme dans des conjonctures individuelles en lien avec ses références culturelles, artistiques et son histoire psychoaffective.
Lorsque Thérèse Guiot-Houdart dans Lascaux et les mythes donne sens aux fresques de la grotte, elle analyse les figures à la manière d’un peintre et d’un mythologue mais aussi d’un psychanalyste qui étudierait des dessins d’enfants.
En effet les psychothérapeutes d’enfant sont familiers dans l’étude de leurs dessins de la disruption symbolique au travail dans la forme de l’ouvrage à la manière du travail du rêve que Sigmund Freud a si bien mis en évidence.
Par exemple, il m’est arrivé de pouvoir interpréter, à partir d’un dessin, la peur que les pensées soient, dans une période de l’enfance où domine la pensée magique, connue de ses éducateurs avec le risque de la constitution d’une phobie de penser, lorsque les fantasmes concernés sont d’ordre incestueux ou agressifs, ce qui inquiète ou peut même terroriser le sujet…
J’ai souvent été saisis par la beauté et la simplicité énigmatique de certains dessins d’enfants. Philippe Greig, un psychiatre bordelais a montré, dans L’enfant et son dessin, naissance de l’art et de l’écriture, que le mécanisme psychologique de la projection anthropomorphique, la persistance des personnages têtard ou fil de fer, les chimères comme l’utilisation des couleurs avec leur signification émotionnelle bien connue, traversaient toute l’histoire de l’art, des primitifs aux contemporains. L’organisation spatiale des peintures en trois bandes, telle qu’elle se trouve à Lascaux, correspond avec l’organisation spatiale de dessins d’enfants de 6/8 ans (période de latence). La représentation est hiérarchisée, les personnages du récit sont plus ou moins grands selon leur importance et leur situation dans l’espace de la fresque, cette représentation spatiale hiérarchisée est présente dans toutes les cultures primitives comme dans l’art contemporain.
On doit cependant se garder de réduire l’expression artistique des fresques préhistoriques à une sorte de stase développementale à la manière de l’étude du développement des dessins d’enfants. De la même manière que l’on ne peut pas ramener les abstractions artistiques de certains peintres du XX e siècle à une simplification naïve, quand on sait parfaitement qu’ils ne rencontraient cette forme picturale qu’au décours d’une recherche et d’une exploration, une sorte de quête des origines, dont le figuratif n’est jamais totalement absent.
Pablo Picasso fut passionné par le thème du taureau qu’il déclina sans limite.
(Illustrations : Différents états du taureau, 1945, la paix, 1952),
Il retrouve également, dans son exploration du continent féminin, le symbole du cercle ouvert que les paléontologues ont identifié comme une des représentations du féminin dans les grottes dès le paléolithique supérieur.
Louise Bourgeois explore la scénographie mythologique, la trace et la geste préhistorique dans des œuvres comme The destruction of father et les nombreuses mains négatives qu’elle réalise.
Pierre Soulages aurait été marqué dans son adolescence par la découverte des peintures rupestres, et certaines de ses œuvres peuvent être perçues comme une façon de capter le vacillement de la lumière des lampes à huile sur la paroi noire des grottes.
De nombreux artistes contemporains ont poursuivi et développé l’expérience de l’espace clos de la grotte comme Giuseppe Penone Biennale de Venise 2007 qui propose une expérience sensorielle s’inspirant des parfums, des matières présents dans les espaces préhistoriques, Thomas Hirschhorn crée des formes où physique et spirituel se retrouvent… ; le Street Art, en utilisant comme support les parois de l’espace public s’aventure sur le terrain de l’art confronté à l’altération naturelle du temps qui s’écoule…
Et que penser de l’impérieuse nécessité que la femme de Jacques Lacan eut de commander à André Masson, son beau-frère, une œuvre qui servirait de cache sexe à L’Origine du Monde, le tableau de Courbet que le couple venait d’acheter à un collectionneur hongrois, le baron Hatvany et que Claudine Cohen, dans La femme des origines, compare à la vénus de Chauvet elle-même cachée au fond de la grotte dans un endroit inaccessible.
[Le réalisme pornographique du tableau de Courbet, commandé par un diplomate turc pour compléter sa collection d’œuvres érotiques, ne doit pas nous masquer l’abime vertigineux dans lequel son titre plonge tout spectateur même avertit. André Masson, réalisa un paysage aux allures féminines explicites, contenant les quatre éléments symboliques de la création, l’eau, le feu, l’air et la terre, pour masquer le tableau que Lacan ne montrait à ses visiteurs que selon un cérémonial invariable décrit par Didier Ottinger dans Hypothèses élémentaires sur l’origine du monde. Quant à Marcel Duchamp, il occulta son « origine du monde » : Etant donné, installation visible à travers une paire de judas percée dans une lourde porte en bois.
Tous deux étaient fins connaisseurs de la mythologie et du surréalisme pourtant ils acceptèrent l’idée que l’origine se trouve au fond d’une caverne ou masquée par une lourde porte. D’aucuns n’y ont vu qu’un simple dispositif érotique ou rappelant les fantasmes infantiles de quête des origines, soutenus par le désir de percer les secrets de la genèse, ou de la freudienne scène primitive. Mais ces dispositifs, comme celui de la grotte de Chauvet, daté de 36 000 ans BP, n’étaient pas moins subtil et posaient aussi une question politique derrière cette mise en scène du corps féminin. De quel bouleversement géopolitique la scène de Chauvet nous parle-t-elle, de quel fascisme l’artiste a-t-il souhaité se démarquer, comme ce fût le cas tant pour Masson empêtré dans les dictats surréalistes ? Je ne sais si quelqu’un à une réponse simple à ces questions mais les ramifications mythiques ou sacrées, en tant qu’organisateurs des interactions sociales, ont dû jouer un rôle primordial dans leur conceptions artistiques. L’origine exerce une attraction singulière que nous avons pris l’habitude d’aborder latéralement, un peu comme Persée lorsqu’il approche la terrible Gorgone Méduse, à l’aide de son bouclier miroir.

III- La musique, le chant

De nombreuses théories, mais aussi l’imaginaire, attribuent intuitivement l’usage de la musique, du chant, comme de la danse à des pratiques spirituelles, chamaniques, mais aussi à des rites où des cérémonies sociales. Toutes ces théories ont en commun une quête des origines, un des mythes les plus présents dans l’histoire de la musique jusqu’à nos jours.
L’être humain, considéré par Platon comme étant « la créature la plus démunie et la plus vulnérable » de la nature naît sans défense aucune, toute une partie de son existence est consacrée à son éducation, par ses parents, son environnement et la société dans laquelle il demeure.
Comment imaginer que cet être si faible, si misérable, inachevé, n’ai pas besoin de consolation et de réassurance. Toute la créativité dont il est capable s’organise de façon de plus en plus complexe pour édifier un environnement le plus sécure que possible, la voix, mais aussi les sons à l’intérieur de l’utérus qui sont perçus très tôt par le fœtus.
(L’ouïe se développe très tôt dès la 25e/27e semaine de gestation le fœtus entend constamment les sons provenant du système digestif, circulatoire et cardiaque de la mère, et vers 5 ou 6 mois il perçoit certains sons provenant de l’extérieur, il est avéré que même s’il perçoit naturellement la voix de sa mère, il perçoit mieux les fréquences basses comme la voix masculine, 20 à 50 décibels).
Nous savons que l’activité symbolique est irréductible à l’être humain, tout ce qui y participe et en découle, selon ses compétences innées, ses talents, a certainement été exploré dès les origines de l’humanité.
Faut-il vraiment des preuves pour affirmer que les premiers outils musicaux ont été le corps propre où celui d’un proche, ou les objets usuels de l’environnement ? On peut aussi penser que les premières sources d’inspiration se trouvaient dans l’environnement immédiat, la pluie, le vent mais aussi les sons inquiétants, le sentiment de la peur, du danger. La naissance, la mort, comme l’excitation de la chasse, des combats ont dû inspirer bien des artistes du paléolithique.

Une branche récente de l’archéologie étudie toutes les traces d’activité musicale (chants, danse, instruments) produites par une civilisation disparue : l’archéomusicologie.
On a la preuve que certains objets ont été utilisés et transformés, soit involontairement (sifflet en os percé par un animal sauvage) ou volontairement. Des conque dont l’apex est cassé et qui sont ornée peuvent émettre trois notes connues, Do, Do dièse et ré. Des flûtes, des sifflets découverts ou fabriquées avec des os d’oiseaux sont datée de -40 000 ans. Des pierres musicales taillées dans une roche, appelées lithophones, ont été retrouvées dans les régions Sub-Sahariennes, elles sont conservées au musée de l’Homme. Cet instrument a été joué par l’Orchestre National de France le 26 avril 2014 (l’enregistrement existe sur France Musique). Les stalactites, dans les grottes ont certainement été utilisées comme instruments, certaines traces retrouvées sur la roche semble l’attester. Des aérophones, comme le rhombe (plaques ovales percées à une pointe), tenus par un fil produisent un vrombissement lorsque le musicien les fait tourner à grande vitesse, ils sont toujours utilisé par les aborigènes. On a aussi découvert des racleurs (le son est produit par le passage d’un bâton sur les dents sculptées dans une corne ou un os : Vénus de Laussel découverte en 1911 sur la commune de Marquay pas très loin d’ici, datée de -25000ans) …

Il est écrit qu’une flûte de 22cm de long, 8 mm de diamètre, percée de 5 trous, découverte dans la grotte de Hohle Fels, en Allemagne, serait le plus ancien instrument de musique au monde (-40000/-35000 av. J.-C.) !
Les premiers « outils instruments » dateraient de -35000 av.-C., certains sont encore utilisés comme les phalanges sifflantes en os de renne, utilisées par les éleveurs en Laponie ; les rhombes (rouet de magicien), sont joués dans certaines cérémonies, soit pour éloigner les non-initiés, soit pour évoquer la voix des âmes errantes.

Un instrument certainement aussi ancien que les précédents n’est que très peu étudié par l’archéologie car il est très difficile d’en retrouver la trace matérielle : le tambour.
« Le tambour à main ou tambour sur cadre est l’un de nos plus vieux instruments de musique. Il accompagne la transe chamanique des guérisseurs et devins depuis la préhistoire » écrit Layne Redmond dans son livre La femme Tambour.
Il semble que les premières représentations de cet instrument dateraient de 5600 av J.-C. et qu’ils étaient joués par des déesses ou des prêtresses de ces divinités.
Beaucoup de ces instruments étaient peints en rouge, couleur du sang, [imitant le bruit régulier du cœur,] premier son qu’un fœtus entend dans le ventre de sa mère. Écrit aussi Camille Sfez dans la préface de ce livre.
Le tambour est le premier instrument employé pour les rites de passages car il permet d’entrer dans des états de conscience modifiés qui sont recherchés dans les expériences chamaniques comme les rituels invoquant l’archétype de la mort et de la renaissance. Dans les mythes Egyptiens ou Gréco-Romains, c’est sur le rythme du tambour que les divinités sont ramenées des mondes souterrains où elles étaient captives à une renaissance dans une vie terrestre.
Ainsi même si « la musique, le chant et la danse sont des formes d’art éphémères difficiles à appréhender par l’archéologie » (L’art préhistorique de l’Atlantique à la Méditerranée, Musée d’Aquitaine, Ed. Errance &Picard, 2023, p 174), l’exploration de ce domaine de l’archéologie recoupe inévitablement les registres du mythe et du sacré.

IV- Grottes entre mythe et sacré.

1- Généralités

Passer de la lumière vive du monde extérieur à l’obscurité profonde de l’intérieur, c’est faire le voyage dans « l’au-delà », là où les esprits d’animaux divinisés s’incarnent dans les anfractuosités de la roche. Ecrit Mario Ruspoli, photographe ayant cartographié la grotte de Lascaux. Cité par Layne Redmond.
Dans Contes et légendes du Périgord, Marcel Secondat raconte deux légendes dont l’histoire se situe dans des grottes, ce sont deux histoires tragiques qui auraient pu devenir des vaudevilles du début du XX é siècle. Dans La grotte de Sainte-Mondane, il s’agit du meurtre et du suicide d’amants, surpris dans la grotte qui abrite leurs ébats, par un mari ivre de jalousie ; dans Le puits de Sainte-Radegonde, une abbesse se sacrifie, en se jetant dans un abîme sans fond, pour soustraire les trésors de son monastère au pillage en cours.
La mythologie gréco-romaine abonde dans le registre tant cosmogonique, que dans celui des lieux de naissance, de séjour et de mort des dieux, des rois et des simples mortels.
La caverne joue un rôle essentiel dans les croyances. Une tension s’établit entre le ciel où séjournent les divinités lumineuses, olympiennes et le domaine obscur des profondeurs associé aux divinités chtoniennes, d’essence le plus souvent féminines. Gaïa, au large sein, émergeant par sa seule force du chaos primordial, restera une divinité respectée par le monde olympien.
La terre contrairement à l’air et à l’eau est un élément solide dans lequel on ne pénètre pas aisément pour en explorer le contenu. Seules, les grottes, les cavernes terrestres mais aussi marines en permettent l’exploration. Le professeur Otto Lidenbrock, le héros de Jules Vernes dessine dans son aventure un univers dont les limites naturelles s’effacent jusqu’à devenir un immense écosystème complexe dans lequel la vie déborde. Antithèse du mythe des enfers dont une des nombreuses entrées se trouve, celons certains moines cisterciens, près de l’Hekla, un volcan islandais. Prison de Judas il figure ainsi au panthéon de la chrétienté, même s’il est raconté que des sorcières s’y abandonnent au sabbat aux alentours de pâques.
La culture, l’artisanat, la musique mais aussi la science, participent depuis toujours, avec la religion, la politique, au développement et à l’affermissement des liens sociaux. Les grottes ont de tout temps, en tant que lieu de culte, participé au travail de symbolisation. Ce travail indispensable à la perception de la réalité, permet de charger un signifiant (image, symbole…) d’un signifié (concept). Il enrichit la réalité en la reliant directement aux affects, aux émotions et à l’imaginaire.
La psychanalyse met en lumière l’obscurité des fantasmes les plus féconds dans la constitution de la structure psychique et de ses avatars symptomatiques. Cryptes, cavernes, lieux obscurs peuplent nos rêves et cachent parfois des cadavres dans les placard.
Ce panthéon privé de nos souffrances, fabrique de symptômes des psychonévroses, se nourrit des représentations corporelles symboliques d’une intériorité archaïque qui demeure active tout au long de l’existence.
Depuis toujours l’homme a trouvé, en lui-même et dans le groupe social, les ressources nécessaires à sa survie. Pour Freud, la religion est fondée sur une construction illusoire conséquence de la nécessité pour les humains de protéger leur intégrité psychique autant que physique. Il s’agit aussi d’aménager une aire transitionnelle dans laquelle l’espoir se conjugue avec la créativité, le jeu, l’engagement familial, social et professionnel.
De nombreux psychanalystes ont tenté de proposer leur point de vue sur les œuvres préhistoriques, leur imagination est sans borne, on retrouve de façon insistante une lecture sexualisée qui, même si elle est compréhensible et fait souvent sens, tend à réduire la portée spirituelle et peut-être politique des œuvres.
On peut interpréter les fresques de Lascaux comme on le fait d’un matériel onirique qui résulte du travail de rêve tel que Freud le définit : tentative de transformation des pensées latentes, de stimuli corporels, de restes diurnes, de pensées du rêve en un produit : le rêve manifeste.
Freud en mettant en évidence la mécanique des rêves voulait l’extraire du domaine du surnaturel, des démologues, des voyants et des neurologues, il nous a fourni une façon différente d’explorer les profondeurs de l’âme.
Le travail de rêve passe par différentes étapes qui ont pour singularité d’être soumises à une censure : la condensation, le déplacement, la figuration et enfin l’élaboration secondaire, sorte de rationalisation, sont une façon assez géniale qu’à le rêve de se jouer de ladite censure.
La limite de cette méthode appliquée aux fresques préhistoriques est qu’aucun descendant des hommes de Cro-Magnon ne nous a laissé, à la différence des Grecs, des Romains, de nos patients un récit associé aux dessins.
Nous nous retrouvons donc dans la position de l’explorateur des dessins d’enfants sans langage.
Ou-bien faut-il accepter qu’il n’y ait pas d’autre interprétation que le fait même que le bestiaire préhistorique nourrit l’imaginaire par le biais des rêves, des mythes et des contes.
On peut se demander d’autre-part, et l’autrice de Lascaux et les mythes, semble suivre cette idée, si les auteurs gréco-romains ne se sont pas inspiré des fresques de Lascaux où d’autres sites préhistoriques, pour élaborer leur cosmogonie.
En fait on peut penser plus prosaïquement que les mythes gréco-romains s’inscrivent dans la transcription d’une tradition orale de la grande histoire des croyances et des rites transmis depuis la nuit des temps. La tradition gréco-romaine se situant dans la continuité des changements de paradigme survenus au néolithique : le féminin est systématiquement recouvert par la domination masculine. La vision du monde qui reposait sur les divinités maternelles des profondeurs de la terre – puissances de sang, source de fécondité et de mort, ancrés dans le cycle naturel de la vie et de la mort – se masculinise et s’établit dans le pouvoir divin du monde de la lumière des temples olympiens.
Le culte des divinités chthoniennes se poursuit cependant avec des rituels sacrificiels caractérisés par la noirceur des brebis ou béliers victimes expiatoires dont la tête était tournée vers le bas au-dessus d’une fosse, le bothros, fosse ou puit à offrandes chez les Grecs et les Etrusque.
Dans L’allégorie de la caverne Platon va dans ce sens en instituant la supériorité du ciel sur le sol et le sous-sol et en disqualifiant les mythes qu’il « raille (comme) ces contes de bonne femme qu’il rapporte aux mères, aux nourrices ou aux vieilles femmes. » Ecrit Jean-François Mattei dans Thémis au seuil du sacré, dans Platon et le miroir du mythe, Puf
Il s’est avéré que la civilisation paléolithique à laquelle appartient l’œuvre de Lascaux et qui s’étend sur plus de 20 000 ans, se serait éteinte en Europe vers la fin du huitième millénaire avant J.-C., mais elle se serait perpétuée en Asie Mineure et on parle actuellement d’une période de transition entre les cultures paléolithiques et indo-européennes post-glaciaires. La civilisation Indo-Européens serait apparue croit-on aujourd’hui autour du Vème millénaire. Ainsi l’étude des textes mythologiques indo-européens, en particulier ceux de l’Inde ancienne, montre la présence d’un système symbolique basé sur les animaux proches de ceux étudiés dans les fresques préhistoriques.
Le choc esthétique, provoqué par la mise en scène picturale ou théâtrale des peintures préhistoriques participait certainement à un récit que nos lointains ancêtres connaissaient parfaitement. Et nous explorerons plus loin la thèse chamanique de l’interprétation de l’art pariétal. Mais il semble avéré que les grottes ont depuis très longtemps été recherchées (Grèce, Crête), ou creusées dans la roche (Egypte) pour effectuer les rites destinés à honorer certain dieux ou déesses. L’interprétation chamanique de la scène du puits à Lascaux est courante, l’homme blessé est considéré comme en transe chamanique avec près de lui, représenté son animal totem (l’oiseau) à côté du bovin sacrifié.
2- Et la mythologie ?
L’approche mythologique reste très critiquée par le milieu scientifique, à dominance masculine. Les scientifiques ont longtemps considéré qu’il était quasiment impossible d’extraire un récit commun à l’ensemble de l’œuvre paléolithique. Récit qui serait venu constituer un mythe constitutif d’une histoire commune des chasseurs cueilleurs de cette époque. Cette communauté reconnait cependant l’existence de récits issus des cultures de tradition orale comme les Aborigène en Australie, les Indiens d’Amérique du Nord ou du Sud ou-bien le peuple Basque qui semble remonter à 20 000 ans BP.
Il y aurait un autre constat proche de celui des mythologues, qui est qu’il existe une présence quasi constante au fond des grottes ou dans des abris sous roches de thématiques liées à l’origine du monde où à la fertilité. Le cycle de la vie constitue une matrice de nombreux mythes universels mis en récits par les générations futures.
Seuls quelques paléontologues, comme M. Lorblanchet, mais aussi Jean-Loïc Le Quellec, et désormais Carole Fritz, ont affirmé dans leur travail la dimension sacrée des grottes comme lieu de la création du monde et de naissance de la vie dans les grottes qui sont imprégnées d’un symbolisme féminin.
Suivant la méthode de l’analyse comparative des tableaux et des mythes, Thérèse Guiot-Houdart nous offre une lecture passionnante des mythes et des contes. Elle montre la proximité des mythes archaïques de l’Inde ancienne, mais aussi des mythes grecs ou Romains et même de certains contes européens de la lecture qu’elle fait de la fresque de Lascaux.
Son approche du symbolisme des figures animales dans la mythologie indienne et dans les fresques de Lascaux est saisissante.
Les Indiens vénèrent le couple de la vache et du taureau, avec la singularité que dans la théogonie indienne la vache est à l’origine de toute vie, donc du taureau, elle est la mère des dieux, à l’origine de la Terre, du Ciel et des Eaux. La fécondité est au centre des préoccupation du livre sacré le Véda qui aurait été composé au XV e siècle avant J.-C. et qui est le texte originaire du Brahmaïsme et de l’Hindouisme. Le cheval est toujours associé à la vache dans un ordre invariable, en second. L’invocation du cheval ou des chevaux semble aussi être associée à la notion de richesse et en particulier la plus grande richesse qui est celle qui perpétue l’espèce : les enfants qui offrent l’immortalité de la « semence ».
« Que le créateur donne toutes les richesses
à l’homme désireux de postérité qui sert en sa demeure
cet homme, que les Dieux le revêtent d’immortalité,
tous les Dieux et Aditi, d’un commun accord. » (189)
Rien n’est plus angoissant que l’absence de fécondité que de nombreux rites combattent.
Il apparait ainsi que les animaux, pour les hommes pieux, les vaches et les chevaux représentent à la fois une richesse matérielle et immatérielle destinées à obtenir à la fois prospérité et postérité.
D’autres analyses mythologiques comparatives étayent sa démonstration d’une sorte de continuité entre les croyances préhistoriques telles que les peintures de Lascaux les laissent entrevoir et les premiers textes que l’humanité a recueilli.
« La fresque (de la rotonde à Lascaux) est une vaste composition divisée en trois parties … une sorte de triptyque… dans lequel l’artiste semble avoir exposé le b-ab-a de la sexualité, … la différence entre les sexes et l’origine de leurs émanations sexuelles respectives, le sang, le lait et le sperme, selon l’idée que l’on se faisait à son époque. » Avec une particularité importante pour l’autrice que les questions posées à propos de l’un et de l’autre sexe reçoivent des réponses qui démontrent une très remarquable égalité d’intérêt pour chacun des deux…(sexe)
L’animal servait de code, code élaboré bien avant la fabrication de la fresque de Lascaux, code utilisé par le peintre au service d’un récit crée par lui ou par un poète.
Au centre un rendez-vous entre une vache accompagnée d’un cheval à gauche et un taureau à droite. Ce sont les personnages principaux d’une geste qui relaterait l’acte créateur qui au commencement engendra la vie. Les animaux auxiliaires situés sur un deuxième plan représenteraient les principes créateurs, féminins (vache blanche) et masculins (taureau blanc). Les petits cerfs seraient une représentation du souffle qui unit le Masculin et le Féminin. Le mélange des souffles symbolisant le mélange des substances sexuelles.
Ces représentations des théories sexuelles que tout être humain se fabrique est familières des psychanalystes, des enseignants des parents et des éducateurs. Combien d’enfants ont imaginé que les bébés se fabriquent en s’embrassant ou en ingérant une graine, ce sont les théories à dominance digestives ou anales, d’autres s’appuient sur l’observation des plantes, semer une graine dans le ventre de maman et un petit frère ou une petite sœur naitra certainement.
Mais l’autrice de Lascaux et les mythes ne s’en tient pas à cette vision angélique des origines. Elle précise le processus qui nécessite trois étapes proches des théogonies gréco romaines. Le chaos est toujours présent en premier, mais ce n’est pas le calme avant l’explosion, c’est une phase de violence de combat qui précède un rapprochement puis une phase d’éloignement et enfin de multiplication qu’elle énonce aussi d’une autre façon : mutilation, rencontre, absence, transmission.
L’étude des peintures et gravures des autres salles vient compléter le récit mythologique qu’elle appelle : Archétype d’un drame.
En effet les dessins sont agencés dans un certain ordre que l’on peut suivre en longeant la paroi sans la quitter des yeux en regardant toujours sur sa gauche.
Cette méthode nous est familière car elle se rapproche de l’étude des contes par Wladimir Propp dans Morphologie du conte (1928). Dans cet essai l’auteur développe l’existence d’un invariant de la structure des mythes et des contes.
Au début ou il était une fois, un meurtre, une perte une disparition, ou un méfait, ensuite la quête commence, avec des rencontres d’auxiliaires, d’amis ou d’ennemis qu’il faut affronter au cours d’épreuves avant de rétablir l’équilibre et de pouvoir à nouveau transmettre et se multiplier. Et on sait que dans les contes, comme dans les rêves, les personnages sont interchangeables, humains, surnaturels, animaux ou objets magiques, que le héros comme ses ennemis sont doués de pouvoirs magiques etc…
La structure des contes populaires est connue, les invariants sont très proches de ceux exposés par l’autrice de Lascaux et les mythes.
René Kaës dans Contes et divans a acquis la conviction qu’il démontre admirablement que « le conte, comme le mythe, est une figuration et un encodage des processus et de formations psychiques directes ou inversées, et qu’il est aussi une figuration et un encodage de processus et de fonctions de groupe (sociaux et intériorisés). »
Il prend l’exemple d’un conte Les sept corbeaux. (P. 179-180)
Il s’agit d’un conte populaire dans lequel la petite sœur de sept frères métamorphosés en corbeaux sont enfermés dans une montagne de verre dans laquelle elle finira par pénétrer pour les délivrer de leur sort.
Propp divise l’action en cinq étapes immuables bien que des variations puissent exister, absence d’une étape, disproportion entre les différentes étapes mais l’ensemble est très compréhensible d’un point de vue général et nous avons pu observer à quel point les analyses mythologiques se rapprochent de cette formation particulière.
La première étape est appelée : situation initiale. Il s’agit d’une étape où il existe souvent un manque, un des parents est mort, il y a une famine, une menace règne. Un ordre est donné, ou un conseil, par un personnage détenteur de l’autorité, parent, monarque … L’ordre, le conseil n’est pas bien exécuté, est négligé, n’est pas compris… Une tentative de réparation est effectuée par un des protagonistes mais elle rate, ou elle entraine une conséquence néfaste, ou le détenteur de l’autorité a un mouvement de rejet ou énonce un souhait négatif, une malédiction « je voudrais que tous ces gamins soient transformés en corbeaux ! »
Deuxième étape : le méfait. En l’occurrence les sept ainés des garçons sont métamorphosés en corbeaux et s’envolent ce qui désole les parents qui se consolent avec leur dernière fille chérie.
Troisième étape : la quête dans le vaste monde de la petite fille à qui ses frères manquent, la rencontre avec des axillaires, des aides ou des personnes dangereuses et l’obtention, lors d’épreuves d’objets magiques grâce à un donateur qui serviront à résoudre le conflit.
Quatrième étape : réparation du méfait. Rupture de l’ensorcellement.
Cinquième étape : résolution du manque, retour du héros, transmission, création d’une nouvelle famille etc…
3- Les mythes des origines ou mythes de l’émergence primordiale.
« Les hommes et les animaux ont un jour émergé du sol pour venir peupler la terre. Mais pour une raison inconnue cet évènement a aussi provoqué la création de la mort qui n’existait pas auparavant. » J.P Otte, Mythes de la création
Michel Lorblanchet raconte qu’au Pech-Merle (Lot), au fond de la galerie du Combel, dans la petite salle des Antilopes, les Préhistoriques ont certainement représenté un mythe qui considère le monde souterrain comme seul lieu de la Création. Il écrit : La fonction génitrice de la grotte s’affirme dans le sanctuaire, avec ses mamelles naturelles (des stalactites en forme de sein) et une créature hybride (animal composite peint en noir mélangeant différents traits d’animaux préhistoriques), comme un lieu où le monde vivant prend naissance.
Ces mythes sont, est-il dit, associés à l’observation des cycles naturels, la vie s’élève du sol, le ventre de la terre, identifié au féminin, à la Terre Mère. Lorblanchet avait remarqué que les figures étaient agencées selon un code particulier du moins précis, voire déformé, caricatural, au fond des grottes vers des dessins et des peintures de plus en plus réalistes à mesure que l’on approche de l’entrée supposées de la grotte. « Comme si l’intention de l’artiste avait été de représenter le récit de l’apparition de la vie apportée par l’eau des profondeurs de la terre. Trois grandes vulves gravées, régulièrement espacées, venant périodiquement rappeler le principe créateur à l’œuvre dans la cavité. » p. 294, G. Rigal
« Les créatures naissent des replis de la roche. » écrit M. Lorblanchet.
Je ne sais si c’est cette phrase ou la visite de cette grotte qui a inspiré l’auteur de science-fiction Robert Silverberg dans Les profondeurs de la terre. Il décrit dans ce livre une planète imaginaire éloignée de la terre, Belzagor qui vient d’obtenir son indépendance. Deux espèces, les Nildorors et les Sulidorors vivent dans des territoires séparés tout en cohabitant à certaines occasions. Le héros, un terrien, par en quête d’une montagne sacrée, le Pays de la Transformation, qui abrite dans la profondeur de ses entrailles un rituel connu des seuls autochtones. Ce rituel consiste, en absorbant un breuvage spécial, à se métamorphoser, dans le meilleur des cas, en l’espèce opposée qui s’en retourne dans le territoire assigné à sa race. Mythe des origines de la vie que la science-fiction affectionne et interprète à sa façon.
Dans Les mythes de la création Jean-Pierre Otte rapporte un mythe australien des origines qui rejoins les thématiques telluriques de la création.
Durant ce la période de « l’Ere du Rêve », les Ancêtres créèrent le monde par leurs chants avant de façonner l’homme dans la terre glaise. Sillonnant la terre, chaque ancêtre laissa sur son passage des pistes faites de mots et de notes de musique qui permettaient par la suite aux Anciens de communiquer avec eux. Une fois leur tâche accomplie, ces esprits créateurs regagnèrent le ventre souterrain, ou alors s’élevèrent dans les airs pour devenir des étoiles. »
4- Chamanes ?
Dans Les chamanes de la préhistoire, Jean Clottes et David Lewis Williams dressent un tableau qui, bien que très contesté tant il s’appuie sur une généralisation de la notion de chamanisme difficile à prouver, vient compléter notre vision de l’art pariétal en en renforçant sa dimension sacrée. Ils effectuent une synthèse très claire des connaissances modernes du chamanisme et de l’art pariétal comme une figuration de transe chamanique.
Nous avons déjà vu les particularités ontologiques des différents modes de pensée et visions du monde. Il semble acquis que les sociétés de cueilleurs chasseurs aient été animistes ce qui leur procure, comme c’est toujours le cas pour les groupes sociaux animistes contemporains une façon très singulière de comprendre leur cosmos, leur environnement et leur intériorité.
La transe chamanique consiste, par des moyens physiques (isolement, privations, mouvements répétitifs, danses…) ou/et chimiques (ingestion de produits psycholeptiques, hallucinogènes) d’atteindre ce que l’on appelle désormais un état de conscience altéré, qui est très bien étudié d’un point de vue neurocognitif et neurophysiologique. Ces états sont en général interprétés comme des expériences spirituelles ou de possession ou de perte de l’âme dans nos cultures naturalistes. L’esprit du chamane quitte son corps ou un esprit extérieur bon ou mauvais prend possession de lui. Il existe trois stades dans la transe, ces phases sont actuellement considérées comme universelles, seuls leurs contenus varient en fonction de la culture et de l’expérience de celui qui fait l’expérience.
Le premier stade, le plus léger, le sujet voit, les yeux ouverts, des formes géométriques projetées dans l’environnement (celles représentées dans les grottes ?), des points, des zigzag, des grilles… Ces formes aux couleurs vives sont mouvantes (comme lorsqu’on regarde un stroboscope).
Dans une deuxième phase le sujet s’efforce de rationaliser, de donner un sens aux formes géométriques qui peuvent être transformées en objets, animaux, chargés en signification religieuse ou émotionnelle en lien avec la culture et l’état d’esprit de celui qui vit l’expérience.
La troisième phase nécessite de passer par une phase dite transitionnelle que le sujet perçoit comme un tourbillon ou un tunnel.
Le sujet se sent attiré par le tourbillon dont les parois sont constituées par un treillis contenant les formes du premier stade et le début des hallucinations véritables de personnes ou d’animaux réels ou fantastiques. En sortant du tunnel le sujet se retrouve dans le monde bizarre de la transe avec un fort sentiment de réalité de l’environnement peuplé de monstres, humains, thérianthropes. A ce stade le sujet éprouve le sentiment de se mouvoir sans difficulté et épouse le mode de déplacement de ses hallucinations, il vole comme un oiseau, bondit comme un antilope, charge comme un auroch ? Dans cette phase qui est la plus profonde, les sociétés de chasseurs cueilleurs considèrent que l’esprit du chamane quitte son corps, cette perte de l’âme est ressentie soit comme un envol soit comme un voyage sous terre.
La troisième étape est la plus importante pour explorer le cosmos chamanique. Cet univers est structuré, il se répartit sur trois niveaux qui communiquent entre eux. Celui de la vie quotidienne situé au centre avec au-dessus un monde supérieur et en dessous un monde inférieur, les deux mondes supérieurs et inférieurs sont habités par les esprits et animaux esprits. Le chamane est considéré comme un médiateur qui a la capacité de visiter ces mondes lors de la transe.
Les études sur l’art pariétal tout en exposant leurs discordances, leurs oppositions parfois radicales semblent s’accorder sur quelques points remarquables tant qu’il s’agit de décrire, de compter, d’exposer les découvertes.
Dès qu’il s’agit de les interpréter la cacophonie semble régner, comme si, au fond le message que la multitude de peintures paléolithiques situées en Europe et principalement en France et en Espagne ce qui fait nommer cet art : Art franco cantabrique, devait rester secret, tabou.
L’intérieur des grottes a souvent été comparé à une peau retournée, comme lorsqu’on enlève la peau d’un animal, cette peau qui servira de vêtement et peut-être ultérieurement de support d’écrits et de tableaux.
L’imagination, croyons nous, serait soumise à des déterminants psychologiques, sociaux et événementiels mais sommes nous si différents des hommes de Cro-Magnon ? N’avons-nous pas des peurs, des joies, des peines que nous avons besoins d’exprimer et la façon de le faire aurait-elle tant changé depuis ces milliers d’années. Freud avait émis l’hypothèse, controversée, d’une mémoire phylogénétique, c’est-à-dire une sorte de mémoire qui se transmettrait d’individu à individu, peut-être que la notion junguienne d’archétype, tout aussi controversée, pourrait être rattachée à cette hypothèse.
5- Le bestiaire pariétal.
Le bestiaire pariétal très étudié a révélé la domination du cheval qui « reste la trame de l’art pariétal ». Il semble, selon Suzanne et Georges Sauvet, cités par Gwenn Rigal (Gwenaëlle est l’ange blanc en breton), que le bestiaire paléolithique mette en scène une opposition, (ou une rencontre ?) entre bison et auroch, le cheval, à l’aise avec les deux animaux, serait l’élément troisième (tiers) médiateur dans les récits mythiques.
L’histoire symbolique du cheval ne cesse de se perpétuer comme on le voit. Le cheval, blanc en particulier, est inscrit dans l’imaginaire humain à travers les âges comme porteur de pouvoirs fabuleux comme la clairvoyance, le don de prophétie. Ils sont la monture des rois, des prophètes et des héros. Ils sont aussi capables de se rendre dans le monde des enfers ou du ciel. C’est un véhicule psychopompe (guide des âmes des morts), mais il est aussi associé au soleil, au chariot du soleil à la course solaire. Les chevaux blancs sont aussi associés aux rites de fertilité où à la fin des temps. L’imaginaire religieux le fait surgir de l’océan ou d’un éclair pour sauver le monde. Les princes charmants montent la plupart du temps un cheval blanc lors de leur apparition.
On retrouve aussi toute une symbolique mythologique liée à la présence de l’ours, celle-ci est intéressante car on connait des contes populaires dans lesquels l’ours joue un rôle clef.
Il est rapporté une histoire mythique dans laquelle un animal pourchassé par l’homme s’envole vers le ciel et se transforme en constellation, la grande ourse. Pour certains auteurs, (Julien Huy), la scène du puit de Lascaux représenterait une variation sur le thème de la chasse cosmique. Ces thèmes engloberaient le thème classique de la course du soleil. (Le soleil viole la lune – méfait – apparait la vie et en même temps la mort associée au cycle lunaire et aux menstrues des femmes.) p. 284 G. Rigal
La question des mythes et des rites sacrés associés à l’ours des caverne c’est posée aux découvreurs des cent cinquante crânes et aux 196 squelettes d’ours mis en scènes par les Préhistoriques, recensés par Jean Clottes à la grotte de Chauvet dont il dit qu’elle « sent l’ours ». Certains paléontologues ont même imaginé qu’il ait pu exister un culte de l’ours à cette période. Il semblerait qu’il soit possible d’envisager une hypothèse chamanique, comme nous le verrons plus loin, la grotte étant un « lieu de passage vers l’au-delà et vers le cosmos. »
Dans la mythologie nordique de l’ours, dans le cercle arctique, en référence à la constellation de la Grande Ourse qui les surplombes. L’ours brun, ursus arctos est associé à la lumière, ark en indo-européen.
Trois grands thèmes mythologiques sont associés à l’ours.
Le thème de la métamorphose d’une femme en ourse.
Le thème de l’ourse maternelle et protectrice qui recueille et nourrit un enfant humain.
Le thème des amours souvent fécondes entre une femme et un ours mâle.
Ces légendent transmettent un signifiant très particulier : « l’homme est de la race des ours, et l’ours est doté de pouvoirs que l’homme a perdu ».
Les contes et légendes mettant en scène des ours sont très nombreux, les thématiques rejoignent le plus généralement de façon tronquée l’une des thématiques déjà évoquées. Dans Jean de l’ours, dont il existe de nombreuses versions répertoriées dans le Catalogue raisonné de Delarue-Ténèze, une enfant, une fille est enlevée par un ours « un bourru » gentil et prévenant qui finit par lui faire un enfant. L’enfant devient aussi fort que son père et finit par libérer sa mère et retourner au village où, bien qu’il soit souvent moqué, il est respecté pour sa force surhumaine et dénommé Jean de l’ours, dès ses origines connues. Arrivé à l’âge de travailler il part courir le vaste monde, il y réalise certains exploits qui lui permettent de rencontrer des personnages animaux et êtres humains auxiliaires qui lui seront d’un grand secours pour délivrer une princesse retenue au fond d’un puits. Une fois son fait accompli il obtiendra la reconnaissance du père de la princesse à qui il pourra succéder.
L’étude des œuvres de la grotte Chauvet a révélé l’alternance de l’occupation de la grotte par des ours, des hommes et des loups. Caroline Fritz qui supervise les recherches scientifiques, nous dit dans une conférence effectuée au Muséum de Toulouse que les ours furent les premiers intervenants de la composition du magnifique panneau des chevaux.

V- En guise de conclusion
Si la mémoire du lien qui unit l’espèce humaine parait ancienne, à l’échelle de l’histoire de l’univers, elle se résume à l’épaisseur d’un cil.
Si nous laissons notre imaginaire vagabonder dans les entrailles de cette terre que l’on nous dit saccagée, malade et que seul l’homme qui la détruit pourrait sauver, peut-être que l’expérience des grottes nous enseigne simplement que la modestie est de rigueur lorsqu’on aborde ces questions.
C’est ce que nous enseigne l’art pariétal qui a façonné le regard des peintres et des artistes modernes comme nous avons pu le constater à de nombreuses occasions.
Pour Freud il existe une mémoire propre à l’inconscient : une mémoire de l’oubli, agie par le refoulement, qui ne subit pas le dommage du temps qui passe et qui est un des carburant, avec le transfert des affects du travail de la cure analytique. Cette mémoire inconsciente est cependant chargée de tragédies oubliées que seuls certains artistes nous permettent d’entrevoir la trame.
Dans le travail de reconstruction, véritable aventure archéologique, d’un cas clinique (L’homme au loup) Freud reprend l’hypothèse de Lamarck d’une « possession héritée », ce qui lui fait écrire : « nous voyons uniquement dans la préhistoire de la névrose que l’enfant recourt à ce vécu phylogénétique là où son vécu propre ne suffit pas. Il comble les lacunes de la vérité historique par une vérité préhistorique, met l’expérience des ancêtres à la place de son expérience propre. » C’est-à-dire qu’une scène non symbolisée, non inscrite dans un souvenir dont il serait possible de raconter l’histoire, a pourtant laissé une trace inscrite dans l’inconscient.
De quelle histoire refoulée, les traces rupestres nous parlent elles ?
De rites chamaniques véhiculent l’idée que l’être humain a, de tout temps, cherché à explorer et/ou conjurer des drames archétypiques universels ?
D’un meurtre originel fondateur de la culture ?
De contes et de mythes, de tradition orale, qui expriment les angoisses et les préoccupations éternelles de l’être humain : les origines, le manque, les peurs, la perte d’êtres chers, le désir sexuel, de possession de richesse, de descendance, d’éternité ?
Quel était la française des jeux du Neandertal ? Nous ne le saurons certainement jamais et une analyse de néandertalien ne semble pas pour demain, mais dans notre fort intérieur, lorsque nous rêvons que nous volons, lorsque nous rêvons à nos chers disparus, quand nos rêves nous projettent dans des univers hallucinés, effrayants de réalité, quelle différence avec l’homme et la femme de Neandertal où Homo Sapiens confrontés qu’ils étaient à la nécessité de survivre pour pouvoir vivre tout simplement.
J’ai aimé penser, avec certaines lectures, aux réunions de clans, de groupes de pairs qui se retrouvaient au lever du soleil, au solstice d’été ou d’hiver pour vivre l’émerveillement et/ou le recueillement de l’instant où la magie de l’image opérait. C’était peut-être comme la mention affiché sur les écrans de mon adolescence, lorsque nous nous retrouvions en famille ou entre amis dans les salles obscures du cinéma de Sarlat ou de Souillac. Il était inscrit sur le générique de fin : Filmé en Technicolor. Peut-être y ai-je vu La guerre du feu ce magnifique film de Jean-Jacques Annaud sortit en 1981, ou Les Pierrafeu ce dessin animé américain qui utilise l’univers préhistorique pour conforter une image très normative de la famille, mais aussi cette série télévisée de science-fiction, parue en 2018 sur la plateforme Netflix, adaptation d’une série des années 1960 Perdus dans l’espace. On y suit les aventures de la famille Robinson qui déploie toutes les ressources de l’intelligence de ses membres pour survivre dans des planètes inconnues et plus exotiques les unes que les autres. On y voit en particulier une scène tout droit tirée de l’imaginaire pariétal. Les enfants qui se sont fait un ami robot scellent leur alliance dans une grotte où ils laissent l’empreinte de leurs mains.
Enfin, la modernité n’a pas complétement désenchanté le monde lorsque je lis un article, paru en janvier 2021, je crois fermement en la puissance de l’art qui ne cesse de nous montrer le chemin lorsque nous croyons le perdre.
Au pied de la cascade d’Autoire, un petit village du Lot, pendant deux jours, en décembre 2020, un Duolithe a trôné, interpellant les promeneurs qui venaient admirer ce lieu magique. Crée dans un atelier cadurcien par deux artistes : Osmoz, il vient interroger le rapport d’un lieu au temps et aux changement, comme le monolithe du fameux film de Stanley Kubrick : 2001 Odyssée de l’espace.

Bibliographie

Victor R. Belot, Contes et récits des grottes et des cavernes, Fernand Nathan, 1977 ;
Jean Clottes & David Lewis-Williams, Les chamanes de la préhistoire, Histoire, Points, Maison des roches Ed., (2001), 2015 ;
Claudine Cohen, La femme des origines, Belin-Herscher, 2003 ;
Jacques Collina-Girard, La caverne engloutie, La grotte Cosquer, regard sur la préhistoire des calanques, Ed. Mémoires millénaires, 2022 ;
Robert Goldwater, Le primitivisme dans l’art moderne, PUF, (1966, USA), 1988, France ;
Thérèse Guiot-Houdart, Lascaux et les mythes, Pilote 24 Ed., 2004 ;
L’art préhistorique de l’atlantique à la mediterranée, Musée d’Aquitaine, Errance & Picard, Acte Sud, 2023 ;
Jean-Loïc Le Quellec, L’homme de lascaux et l’énugme du puits, Tautem, 2022 ;
Michel Lorblanchet, Naissance de la vie, une lecture de l’art pariétal, Rouergue, 2020 ;
Jean-Pierre Otte, Les mythes de la création, Les belles lettres, (2017), 2019 ;
Marylène Patou-Mathis, L’homme préhistorique est aussi une femme, Allart Ed., 2020 ;
Layne Redmond, La femme tambour, Leduc Ed., (2019), 2023 ;
Gwenn Rigal, Le temps sacré des cavernes, Biophilia, Corti Ed., (2016), 2021 ;
Jerome Rothenberg, Les techniciens du sacré, Ed. Corti, (2007), 2019 ;
Marcel Secondat, Contes et Légendes du Périgord, Pierre Fanlac, 1970 ;
Topique, Revue Freudienne, 84, Mythes et Anthropologie, L’Esprit du temps, N° 84, 2003 ;

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